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vendredi 31 octobre 2025
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    Rupture des accords de pêche Sénégal – Union Européenne

    Aux origines d’un accord polémique

    Après plusieurs années de présence dans les eaux sénégalaises, marquées par des accords remontant à plusieurs décennies, les bateaux de l’Union européenne ont quitté les eaux sénégalaises depuis le 17 novembre 2024. Les deux parties s’opposent sur la responsabilité de cette rupture et du non renouvellement du protocole.

    Les premiers accords de pêche signés par le Sénégal remontent à 1960. Il s’agissait d’accords bilatéraux avec la France, l’Union Soviétique, l’Italie, l’Espagne et la Pologne.  A partir de 1979, le pays en a signé d’autres avec la Communauté économique européenne (devenue Union européenne en 1993) qui se sont poursuivis jusqu’en 2006.

    Après une suspension de sept ans, les deux parties ont convenu d’ un nouvel accord couvrant la période du 20 novembre 2014 au 19 novembre 2019.  Puis, un dernier protocole pour la période 2019-2024 a été signé. Dans le cadre de ce dernier accord, le Sénégal devait percevoir 10 milliards de FCfa en 5 ans, à raison de 2 milliards par an. En contrepartie, les possibilités de pêche offertes aux navires de l’Union européenne dans la Zone Économique Exclusive (ZEE) du Sénégal concernaient 28 senneurs congélateurs, 10 canneurs et 5 palangriers pour les thonidés et espèces apparentées avec un tonnage de référence de  10 000 tonnes par an.

    En outre, le Sénégal permettait les types de prises accessoires. Il s’agit de 15 % de céphalopodes, 5 % de crustacés et 20% d’autres poissons démersaux profonds.

    Deux chalutiers étaient également autorisés pour les poissons démersaux profonds dont les captures sont limitées au merlu pour un volume de référence de 1750 tonnes par an.

    Toutefois les données scientifiques indiquent une surexploitation du merlu noir, une espèce démersale que le Sénégal partage avec le Maroc, la Mauritanie et la Gambie. Selon le rapport révélé par le partenariat régional pour la conservation de la zone côtière et marine en Afrique de l’Ouest (PRCM), en 2021 le volume pour l’exploitation de merlus noirs dans les eaux sénégalaises s’élevait à 13 154 tonnes. En raison de cette situation alarmante, Gaoussou Guèye, président de l’Association pour la promotion et la responsabilisation des acteurs de la pêche artisanale maritime au Sénégal, conseille au Gouvernement sénégalais d’exclure la pêche du merlu de tous les accords de pêche.

    Les manquements du Sénégal, selon l’Union européenne

    L’Union européenne a pris la décision de ne pas renouveler l’Accord de partenariat pour une pêche durable (APPD) avec le Sénégal. Parmi les principales raisons invoquées par l’UE figurent des « défaillances » et de « graves lacunes » dans la lutte contre la pêche Inn.

    Le 12 novembre 2024, lors d’une conférence de presse, l’ambassadeur de l’Union européenne au Sénégal, Jean-Marc Pisani, a informé que l’Accord de partenariat pour une pêche durable (Appd) ne sera pas renouvelé. Cette annonce retentissante a été faite 5 jours avant le terme du protocole 2019-2024.

    Pour justifier cette décision, le diplomate a évoqué des « défaillances » et de « graves lacunes » du Sénégal dans la lutte contre la pêche Inn (Illicite, non déclarée et non réglementée). Il a ajouté qu’il ne serait « pas cohérent pour l’Union européenne, qui a une politique de tolérance zéro à l’égard de la pêche Inn, de renouveler un accord avec des pays qui ont été notifiés de ce type de difficultés ».

    Pour rappel, en mai 2024, Bruxelles avait déjà identifié le Sénégal comme « pays non coopératif » dans la lutte contre la pêche Inn et lui a adressé un « carton jaune ». A cela s’ajoute que pour la plupart des termes du protocole lié à l’Appd, l’Union européenne n’a pas trouvé son compte, selon son Évaluation rétrospective et prospective. Dans le document, publié en avril 2024, l’Institution note que la délivrance des licences à ses navires a posé problème au cours de l’année 2022. «Les autorités sénégalaises ont en effet délivré les licences de pêche avec un retard de 5 mois. Aucune compensation financière n’a pourtant été octroyée aux navires de l’UE par la partie sénégalaise qui demandent désormais un paiement des licences au prorata temporis», déplore-t-elle.

    De plus, la composante «Appui sectoriel» a démarré avec un «retard sensible à la suite de difficultés de la partie sénégalaise pour remplir un certain nombre de conditions nécessaires pour que le versement de la tranche 1 puisse avoir lieu», note l’UE.

    Aussi, un des sous-objectif de l’accord titré: «contribuer à la conservation des ressources et à la durabilité environnementale par une exploitation rationnelle et durable des ressources du Sénégal», n’a été que «partiellement atteint», selon Bruxelles. En termes d’efficacité, souligne l’évaluation, un autre sous-objectif, à savoir la protection des « intérêts de la flotte UE de pêche lointaine et l’emploi lié aux flottes opérant sous le protocole» n’a globalement pas été atteint. Le seul point positif noté par l’Union européenne est l’atteinte du sous objectif 2.3 de l’accord qui demandait la création «d’un environnement favorable à l’investissement privé et aux activités économiques.»

    En termes d’efficience, «les résultats de l’évaluation [de l’accord de pêche avec le Sénégal] sont mitigés», conclut l’UE.

    C’est au vu de tous ces manquements que l’Union Européenne a décidé de la rupture avec le Sénégal, a précisé Jean Marc Pisani.

    La réplique de Dakar suite à la sortie de l’UE

    Les autorités sénégalaises revendiquent l’initiative du non renouvellement de l’accord de pêche, contrairement à ce qu’affirme l’Union européenne. Dakar accuse Bruxelles de manque d’élégance dans ce dossier

    La sortie de l’ambassadeur de l’Union européenne n’a pas plu aux autorités sénégalaises. Quelques heures après l’annonce de Jean-Marc Pisani du non renouvellement de l’Accord de partenariat pour une pêche durable (Appd), les réactions ne se sont pas faites attendre.

    Le Gouvernement sénégalais dit avoir pris l’initiative du non-renouvellement de l’accord. Du ministre de l’Enseignement supérieur au Premier ministre en passant par le ministre des Pêches, Dakar a dénoncé les «contrevérités» de Bruxelles.

    Lors d’une conférence de presse organisée le 28 novembre 2024, à Diamniadio, Dr. Fatou Diouf, ministre des Pêches, des Infrastructures Maritimes et Portuaires a émis des « réserves» sur les arguments de l’UE, parlant d’«allégations non fondées». Mme la ministre dit s’être entretenue avec l’ambassadeur de l’UE au cours d’une audience qu’elle lui avait accordée, 72 heures avant leur communication.

    «La délégation nous avait exposé les éléments de leur adresse à la presse, ce que nous avions salué, avant même de rajouter un point sur les exportations. Ainsi, il était retenu le partage du projet de texte au moins 24 heures avant la tenue de leur point de presse pour observations. Finalement, à ma grande surprise, c’est un document définitif qui m’a été envoyé le jour même de la conférence à 10h 09mn», a déploré Mme Diouf.

    S’agissant du carton jaune que l’UE justifie par des défaillances dans le système de certification et de pratiques de pêche illicite, elles «concerneraient  des faits qui datent entre 2011 et 2020, bien avant l’installation du Gouvernement actuel. Une responsabilité qu’on nous a fait endosser au nom de la continuité de l’Etat. Depuis, le Sénégal travaille à apporter des correctifs nécessaires», mentionne Fatou Diouf. 

    A ce sujet, lors de la première audience accordée à l’ambassadeur de l’UE, la ministre dit lui avoir demandé les raisons de la notification du carton jaune seulement maintenant, alors que celui-ci concerne des événements qui remontent à 2016. «Sa réponse était que le contexte préélectoral de l’époque n’était pas favorable pour communiquer. Donc, vous comprenez aisément notre surprise de découvrir la communication de l’UE sur ce même carton jaune en pleine campagne électorale et à 72 heures de la tenue des élections législatives », a-t-elle déploré parlant de « manque d’élégance».  

    Les acteurs plaident pour un renforcement des moyens de lutte contre la pêche Inn

    Alors que le Sénégal perd 150 milliards de FCfa par an à cause de la pêche illicite non déclarée et non réglementée, les acteurs du secteur prêchent une approche collective des États pour éradiquer ce fléau.

    A l’unanimité, les acteurs saluent le non renouvellement de l’accord de pêche Sénégal-Union européenne. Mais, indiquent-ils, l’Etat doit davantage surveiller les côtes pour préserver le poisson issu des eaux territoriales.

    Pour le président de la Confédération africaine d’organisations professionnelles de pêche artisanale (Caopa), Gaoussou Gueye, “cette lutte ne peut se faire que dans le cadre sous régional ou régional.» Seulement, il déplore qu’au niveau de la Commission sous régionale des pêches, les Etats ratifient les conditions minimales d’accès mais ne s’acquittent pas de leurs obligations.

    Abordant dans le même sens, Mouhamadou Takha Samb, membre de la fédération nationale des groupements d’intérêt économique de pêche (Fenagie-pêche), souligne que la problématique de la surveillance des côtes est exacerbée par le fait «les bateaux Inn sont les propriétés de personnes financièrement puissantes et pouvant soudoyer n’importe qui.» D’où la nécessité, selon lui, de miser sur une approche collaborative.

    Au Sénégal, l’Etat est dans cette optique, selon Mamadou Habibou Diagne, Secrétaire général du ministère des Pêches, des Infrastructures maritimes et portuaires. D’après lui, les autorités ont amélioré le dispositif de la Direction de la protection et de la surveillance des pêches. « Les moyens en termes de renforcement de capacité de nos agents ne cessent d’être ameliorés. Au-delà, nous dialoguons avec nos partenaires locaux et internationaux pour une co-construction de surveillance durable en termes de pêche», a décliné Mamadou Habibou Diagne.

    Ibrahima Mar alerte toutefois sur le fait que les bateaux de l’UE peuvent revenir par des voies détournées. « Les bateaux pirates sont dans nos eaux. Donc, j’appelle l’Etat à être vigilant », invite le président du Réseau national des comités locaux de la pêche artisanale (Clpa).

     

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