<p><strong>Les régates de Saint-Louis, ancrées depuis le XIXe siècle dans cette ancienne capitale coloniale française en Afrique, sont un événement annuel emblématique. Depuis la visite du Général De Gaulle en 1959, cette tradition s'est maintenue, animant la ville de Saint-Louis avec une compétition féroce entre les pêcheurs de Guet-Ndar. </strong></p>
<p>Chaque année, cette course spectaculaire suspend les activités quotidiennes du quartier, plongeant Guet-Ndar dans une effervescence où se mêlent sport, culture, et tradition. Aujourd'hui, les organisateurs offrent des incitations financières aux rameurs pour continuer à faire vivre cette grande compétition sur le principal bras du fleuve.</p>
<p> Les pirogues, pouvant accueillir entre 40 et 80 rameurs, ajoutent une touche d'intensité à cette célébration de la pagaie. Entre la Tabaski et la Tamkharit (Achoura), les habitants de la Langue de Barbarie se réunissent pour se détendre, s'amuser, et partager des moments de joie après plusieurs mois de pêche en haute mer, où ils passent entre 6 et 8 mois dans les zones maritimes des pays voisins.</p>
<p><strong>Une compétition acharnée</strong></p>
<p>Les pirogues, savamment décorées et bariolées, reflètent les valeurs culturelles perpétuées par les habitants de Guet-Ndar. Cette forme de peinture est un art particulier chez les pêcheurs. Une pirogue bien décorée est synonyme de porte-bonheur, éloigne les mauvais esprits et inspire les pêcheurs à opérer en haute mer.</p>
<p>Près de 600 athlètes rameurs des sous-quartiers de Lodo, de Pondokholé et de Dack se livrent chaque année à une véritable démonstration de force. Debout sur des pirogues valant chacune plus de 5 millions FCFA, dégoulinants de sueur, ils rivalisent d’ardeur et de talent, ramant à contre-courant, contournant les bouées et obstacles selon les consignes des capitaines de pirogue pour rafler la mise. Les moins performants risquent d’être éjectés de la course.</p>
<p>Par une belle matinée du vendredi 24 mai 2024, nous rencontrons F.B. Gaye, une étudiante de l'Ucad, au monument aux morts de Guet-Ndar. Avec un visage fin et jovial, elle nous confie ne jamais manquer l'occasion d'assister aux régates de Guet-Ndar.</p>
<p>Selon elle, cette compétition illustre les efforts constants et admirables que déploient les jeunes pêcheurs pour ramer dans des conditions difficiles, affrontant des vents impétueux, particulièrement en période de forte houle. « Maîtriser l'art de la pagaie est une tradition profondément ancrée dans les communautés de pêcheurs de Guet-Ndar, Gokhou-Mbathie, Santhiaba, de l’hydrobase et des autres localités de la Langue de Barbarie et du Gandiolais », affirme-t-elle.</p>
<p>B.M.N. Sène, 75 ans, enseignant à la retraite et originaire de Guet-Ndar, souligne l'importance des régates qui, chaque année, sont placées sous le parrainage de la Première Dame. Ces événements rassemblent des représentants des différentes communautés de pêcheurs du pays. </p>
<p>L'édition de 2019, par exemple, a été particulièrement marquante car elle a célébré le centenaire de Feu Ousmane Thiané Sarr, ancien président des scouts et guides de l’Afrique de l’Ouest</p>
<p>L'année dernière, Sène se souvient d’avoir assisté à cette course mémorable depuis le sommet du mythique pont Faidherbe, véritable poumon de la ville et témoin des hauts faits de l’histoire coloniale de cette ancienne cité amphibie. Le public, en grand nombre, a eu l’occasion d’admirer cette magnifique régate, qui a même vu un naufrage se produire. « Certains spectateurs, peu familiers avec ces compétitions, sont souvent gagnés par l'angoisse en croyant voir les rameurs en péril dans le fleuve, mais c’est justement ce qui fait tout le charme de ces régates », confie-t-il.</p>
<p><strong>La belle course avec naufrage</strong></p>
<p>La « course avec naufrage » est un moment phare des régates de Guet-Ndar. Selon Sène, « les rameurs se surpassent, démontrant leur expertise en renversant volontairement leurs embarcations avant de les remettre à flot. Cet instant précis provoque des poussées d'adrénaline chez les spectateurs, certains croyant voir les rameurs en danger de noyade. »</p>
<p>El Hadj Moctar Gueye, ancien Inspecteur principal de la Jeunesse et des Sports, rappelle que Guet-Ndar, l'un des plus anciens quartiers de la ville tricentenaire, est essentiellement peuplé de pêcheurs dont les activités sont le moteur de l'économie locale. Avant l'introduction des moteurs hors-bord par feu Ousmane Thiané Sarr, les pêcheurs parcouraient des kilomètres à la rame pour trouver du poisson. Pendant une grande partie de l'année, ils affrontaient la redoutable « barre », un phénomène naturel qui causait fréquemment des naufrages. C'est pour cette raison que la « course avec naufrage » est devenue l'épreuve la plus spectaculaire des régates. </p>
<p>Sous la colonisation française, les Gouverneurs présidaient toujours les régates lors des grandes fêtes, conférant à ces événements un caractère officiel et solennel. Moctar Gueye souligne l'importance unique de cette manifestation, désormais inscrite dans l’agenda culturel de Saint-Louis. Chaque année, de nombreuses autorités, responsables politiques et notables convergent pour assister aux régates, renforçant ainsi leur caractère emblématique. « Nous garderons en mémoire la présence marquante de Mme Viviane Wade, venue assister à ces régates », a-t-il déclaré.</p>
<p>Depuis l'indépendance, l'Association sportive et culturelle (ASC) Guet-Ndar/Mool, anciennement Amicale de Guet-Ndar, fondée par feu Ousmane Thiané Sarr, continue d'organiser les régates en collaboration avec les responsables des sous-quartiers de Guet-Ndar. Le succès de ces régates repose non seulement sur l'engagement des participants, mais aussi sur le soutien constant des autorités locales et nationales.</p>
<p>Le président Gueye appelle d'ailleurs à un soutien accru des ministères de la Pêche et de l'Économie maritime, de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, ainsi que de la municipalité de Saint-Louis et d'autres institutions, pour garantir la préservation et la pérennité de cet événement. Les thèmes abordés lors des régates varient selon les éditions, et cette année, l'accent est mis sur les conséquences désastreuses de l’émigration clandestine.</p>
Les régates de Saint-Louis, ancrées depuis le XIXe siècle dans cette ancienne capitale coloniale française en Afrique, sont un événement annuel emblématique. Depuis la visite du Général De Gaulle en 1959, cette tradition s\'est maintenue, animant la ville de Saint-Louis avec une compétition féroce entre les pêcheurs de Guet-Ndar.