Considérée à la fois comme une alternative et un complément à la pêche dont les stocks baissent de plus en plus du fait de la pression démographique et des pratiques néfastes, l'aquaculture est un secteur en nette progression au Sénégal. Selon l'Agence nationale de l'aquaculture (ANA), la production nationale de cette nouvelle filière est passée de 371 tonnes en 2011 à 1800 tonnes en 2023 et de 45 à 493 fermes, pour un nombre d'emplois directs et indirects qui avoisine les 1800. Des chiffres que la Stratégie nationale de développement durable de l’aquaculture veut considérablement booster à l’horizon 2032.
L’avenir de la pêche serait-il dans le bassin ? En tout cas, selon la Banque mondiale, en 2030, 62 % de la consommation humaine en produits halieutiques proviendra de l’aquaculture. Et 2030, c’est déjà demain. Il y a donc urgence. Or, au Sénégal, cette filière, même si elle est en progression, n’a pas encore pris son envol comme il se devait. En effet, la contribution totale de l'aquaculture à l'économie Sénégalaise reste très faible, voire négligeable par rapport à son potentiel réel. Elle est différente de la pêche qui contribue à 3,2 % du PIB et 10,2 % des exportations du Sénégal et pour 18% au Pib du secteur primaire. La plupart des fermiers aquacoles pratiquent des activités à petite échelle. En effet, la politique aquacole définie par le gouvernement du Sénégal, au-delà des objectifs chiffrés, vise à faire de ce secteur, une alternative crédible à la pêche classique en matière d’approvisionnement en produits halieutiques. Et le défi est énorme si on interroge les chiffres : quand à l’échelle mondiale, l’aquaculture fournit 52 % des produits halieutiques consommés, au Sénégal on n’est même pas à 1 %.
Volonté politique manifeste
Placée sous tutelle de l'Agence nationale de l'agriculture (ANA) créée en 2006, l'aquaculture est un secteur jeune qui a encore besoin de promotion et de sensibilisation pour une bonne assise et une contribution performante dans l'assiette sectorielle et économique nationale. Sa contribution peut permettre de pallier le gap actuel entre la production halieutique nationale et la demande du marché, créant par la même occasion de la valeur et des emplois. Utilisant des outils spécifiques et des techniques pointues, l'aquaculture est également un métier qui nécessite une bonne maîtrise technique et des moyens financiers. L'aliment des poissons est importé et coûte cher, et les opérateurs privés et investisseurs ne s’y bousculent pas.
Face à cette situation, le nouveau Directeur général de l’ANA, Samba Ka, estime que le Sénégal a le devoir de prendre en compte dans son agenda cette prévision crédible de la Banque mondiale. Et c’est pour cette raison qu’il est noté aujourd’hui une forte volonté politique de l’État du Sénégal à développer l’aquaculture, a-t-il ajouté.
Des résultats timides
Au niveau multisectoriel, l’aquaculture fait partie des sept chaînes de valeur retenues dans le Compact du Sénégal, présenté lors du sommet Dakar 2 « Nourrir l’Afrique : souveraineté alimentaire et Résilience », coorganisé par l’État du Sénégal en collaboration avec la Banque Africaine de Développement (BAD) du 25 au 27 janvier 2023. Par ailleurs, développer l’aquaculture constitue un des trois objectifs spécifiques de la Lettre de Politique Sectorielle de Développement de la Pêche et de l’Aquaculture (LPSDPA 2016-2023) du Ministère des Pêches, des Infrastructures maritimes et portuaires.
Au niveau sectoriel, l’ANA a élaboré une nouvelle Stratégie nationale de Développement durable de l’Aquaculture (SNDAQ) 2023-2032 qui a été validée le 21 juillet 2023. Elle a été élaborée à partir d’un diagnostic stratégique rigoureux ayant abouti à une vision et des ambitions claires : « Un secteur aquacole durable, pilier de la souveraineté alimentaire et créateur d’emplois décents ». Cette nouvelle stratégie se fixe comme objectifs phares : la production de 65 000 tonnes de produits aquacoles et la création de 50 000 emplois. De grosses ambitions si l’on sait qu’en 2023, en tout et pour tout, la production n’est que de 1804 tonnes. Mais si on considère qu’en 2011, cette production était juste de 371 tonnes et qu'entre temps le nombre de fermes est passé de 45 à 493, on peut penser que cet objectif est bien atteignable. En tout cas Samba Ka, nouvellement nommé à la tête de l’Ana et qui a déjà rencontré les producteurs d’alevins et d’aliments, les deux principaux intrants indispensables à l’aquaculture, est optimiste. « On ne peut pas parler d’aquaculture sans producteurs parce que l’Ana n’est là que pour encadrer le secteur. L’Etat en a fait une agence pour que le secteur puisse prendre son envol. Cependant, la production stagne encore. C’est pourquoi, dès que j’ai pris service, j’ai jugé nécessaire de rencontrer les acteurs pour voir, avec eux, ce qu’on peut faire ensemble pour amener la production à 65 000 tonnes en 2032. On va y aller, pas à pas, même si certains trouvent que ce n’est pas ambitieux, mais c’est raisonnable vu le niveau d’où nous partons », explique-t-il.
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La SNDAQ, l’arme de développement massif
La Stratégie nationale de développement durable de l’aquaculture vise une production aquacole de 65 000 tonnes, la production de 172 millions d’alevins, de 90 000 tonnes d’aliments de qualité et la création de 50 000 emplois avec la participation du secteur privé. Le financement de la « SNDAQ 2023-32 » reposera en majorité sur l’Etat du Sénégal soit 65% du budget global avec une part importante dédiée au secteur privé qui représente 35%.
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283 fermes fonctionnelles sur 493
Selon Mamadou Sène, Chef de Division Production et Formation de l’Ana, il existe 493 sites de production. Cependant, seules 283 d’entre elles fonctionnent normalement. Sur les fermes fonctionnelles, précise-t-il, 76 ne sont pas aujourd’hui exploitées à cause d’insuffisances, de carences, tandis que d’autres sont tout simplement en voie d’extinction. Par contre, souligne M. Sène, en 2023, il y a eu la création de 110 nouvelles fermes. Quant aux écloseries et aux stations aquacoles, elles sont au nombre de 24. L’essentiel des fermes aquacoles sont concentrées dans le nord (94) et centre du pays (94) mais aussi dans le sud (78). Le Sénégal compte aujourd’hui environ 2000 acteurs. Très peu au regard du potentiel existant. En effet, on peut faire l’aquaculture partout au Sénégal mais là où il y a le plus de potentiel c’est là où il y a de l’eau et de la terre aménageable. Sur la base de ces critères, la Vallée du fleuve est aujourd’hui la zone aquacole la plus dense, et dans une moindre mesure la zone des Niayes où il y a beaucoup de fermes aquacoles. L’Ana, pour être près de tout le monde, s’est déployée à l’échelle nationale avec quatre antennes régionales.
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ANA, bras technique en quête d’un nouveau souffle
Dans ses missions, on retrouve l’appui à la formation, l’encadrement des producteurs, l’accompagnement des politiques et de la gouvernance du secteur. Selon le nouveau Directeur général, Mamadou Sène, l’Ana, insuffler une nouvelle dynamique à ses actions. « Dans notre stratégie, nous sommes en train de voir tous les voies et moyens d’atteindre les objectifs fixés. Dans ce sens, il y a la réorganisation interne de l’Ana, le redéploiement des services au niveau des antennes, la création d’autres bureaux régionaux. C’est déjà une solution, souligne-t-il. Quid de la question de l’aliment de poisson importé qui reste très cher ? Mamadou Sène indique que des solutions sont en train d’être trouvées. « Avec la Nma Sanders, on est en train de voir comment mettre en place une nouvelle usine de fabrique d’aliment. L’’exploitation a été confiée à Nma Sanders, ce qui permettra d’avoir un aliment produit localement et moins cher, plus accessible aux producteurs. En dehors de cela, le texte juridique qui accompagne le secteur aquacole a été adopté par les autorités, notamment le Code de l’aquaculture. Les décrets d’application ont été publiés et on est en train de finaliser les axes réglementaires qui vont nous permettre d’encadrer de manière durable le secteur de l’aquaculture », explique le technicien.
………………………………………………………………………………………………………………………… Un Code bienvenu
Longtemps considéré comme le parent pauvre du secteur de la pêche, l’aquaculture semble aujourd’hui être au cœur des priorités des gouvernants. En effet, avant la validation de la Stratégie nationale de développement durable de l’aquaculture (SNDAQ) en juillet 2023, c’est le Code de l’aquaculture qui était adopté en avril 2022. Et ce n’était pas trop tôt. C’était même une incongruité que ce secteur ne soit régi par aucun texte législatif. Ce texte facilite la gouvernance du secteur en permettant d’encadrer l’activité afin d’assurer sa durabilité et la sécurité sanitaire pour le consommateur. Il permet également aux privés de connaître leurs obligations, leurs limites et les sanctions auxquelles ils sont exposés en cas d’infraction. enfin le texte rassure aussi les investisseurs qui, sans le Code, rechignaient à s’engager. Et pourtant, le Code a été élaboré depuis 2008 avec l’appui de la FAO, il était passé une première fois en Conseil des ministres en 2011 avant d’être retiré après quelques observations relatives aux amendes. Si le texte a passé 13 ans dans le circuit administratif, c’est peut-être par faute de priorisation mais aussi de portage politique.
Considérée à la fois comme une alternative et un complément à la pêche dont les stocks baissent de plus en plus du fait de la pression démographique et des pratiques néfastes, l'aquaculture est un secteur en nette progression au Sénégal. Selon l'Agence nationale de l'aquaculture (ANA), la production nationale de cette nouvelle filière est passée de 371 tonnes en 2011 à 1800 tonnes en 2023 et de 45 à 493 fermes, pour un nombre d'emplois directs et indirects qui avoisine les 1800. Des chiffres que la Stratégie nationale de développement durable de l’aquaculture veut considérablement booster à l’horizon 2032.